Entreprise Multiface

Les acteurs de la Nouvelle Économie Numérique ont pour particularité d’avoir mis au cœur de leur développement une activité économique d’intermédiaire : en profitant des capacités d’interconnexions et de collaboration qu’offrent les TIC, leurs fonds de commerce consistent à encourager et à faciliter les interactions entre les divers agents économiques qu’ils rapprochent.
Ces Nouveaux Intermédiaires structurent leur offre de prestations en Faces. Ainsi, pour exemples :

• À l’origine, l’entreprise Airbnb cible deux faces : celle des clients qui recherchent un hébergement et celle des hôtes qui proposent une adresse d’hébergement [1].
• Facebook a une activité multiface plus complexe : une 1^re face pour l’émission et la réception des messages ; une 2^e pour la mise à disposition d’Applications complémentaires aux autres ; une 3^e pour la gestion de ses applications par leurs Editeurs respectifs ; une 4^e dédiée aux annonceurs pour interagir avec les utilisateurs de la 1^re face [2].

À chacune des faces correspond une liste des interactions types qui impliquent une des natures de clients et l’organisation de l’intermédiaire. L’ensemble de ces listes constitue le catalogue de prestations que l’entreprise multiface propose à ses clients au travers d’une Plateforme Multiface.

Chacun des agents de la communauté virtuelle alors constituée y trouve son intérêt :

• Par la mise en contact des partenaires occasionnels, par la simplicité de mise en œuvre et d’usage de sa plateforme multiface, par la normalisation des transactions passées, par la fluidité de leur traitement et par leur gage de bonne fin, l’intermédiaire crée de la valeur pour ses clients.
• L’intermédiaire tire ses revenus de sa facturation des faces payantes.

Il existe souvent des faces gratuites : la survie et la valorisation de la marque dépendent du développement du portefeuille des clients qui interagissent, portefeuille lui-même lié à la pertinence du modèle commercial : dans l’exemple de Facebook cité ci-dessus, attirer et garder un maximum d’utilisateurs de la 1^re face encourage l’abonnement à toutes les autres faces. L’accès à la 1^re face est donc gratuit.

Origine de l’expression :

• Jean Tirole, économiste Français et prix Nobel d’économie 2014, est le pionnier qui a identifié les particularités de la Nouvelle Économie Numérique. Il a mis l’accent sur l’importance des faces multiples de ses entreprises, ce que les modèles basés sur la relation client-fournisseur conventionnelle ignoraient en grande partie. Il a créé le terme de Marché Biface, développé et transformé depuis par les expressions entreprise multiface ou nouvel intermédiaire ou par le concept de plateforme multiface.
• Cette définition s’inspire et synthétise des développements de David Evans et Richard Schmalensee dans leur ouvrage « De précieux intermédiaires » (cité par la bibliographie du site)

Note :
Pour pérenniser sa propre activité économique, le souci de l’entreprise multiface est moins celui d’un entremetteur recherchant les « bons mariages » (c’est-à-dire des partenariats solides sur la durée), mais plutôt celui de constituer et de maintenir les portefeuilles de « bons partenaires » (c’est-à-dire tous ceux que recherchent potentiellement les autres utilisateurs de la plateforme multiface).

Commentaires en références

[1] La possibilité d’accès au détail des réservations contractées — par exemple pour permettre aux autorités publiques locales le contrôle du paiement des taxes — constituerait une 3e face.↩

[2] L’affaire Cambridge-Analytica a mis en évidence l’existence d’une face 4bis plus discrète et dédiée aux lobbies politiques pour récupérer les profils des abonnés, les analyser et influencer leurs votes.↩