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L’emploi et l’Économie Numérique

Les nouveaux acteurs géants du numérique bousculent nos modèles économiques conventionnels ; la part dans notre vie quotidienne de l’Internet et d’autres outils numériques de la mobilité modifie nos comportements et interroge nos organisations sociales ; les progrès de l’Intelligence Artificielle consolident l’omniprésence des robots. Quelles conséquences ces changements auront-ils sur nos emplois ?

Parmi les inquiétudes relatives aux nouvelles technologies, celles qui concernent l’annonce d’un monde sans l’emploi prennent une place centrale.

Le point de vue qui suit est développé en trois parties :

  • Comment en est-on arrivé là si soudainement ?
  • En quoi cette disruption technologique diffère-t-elle des précédentes ?
  • Comment accompagner les bouleversements en cours [1] ?

Courte histoire du présent

Le cycle immuable du progrès fordiste

Il y a un siècle, le constructeur d’automobiles Henry Ford concrétisait une nouvelle vision industrielle et commerciale globale, alliant une optimisation de la chaîne de production et une redistribution salariale encourageant la consommation. Dans son modèle, la consommation de masse est la clef d’un cycle vertueux :

  • Un bon salaire fait de bons consommateurs.
  • La consommation soutenue finance une croissance du marché.
  • Cette croissance génère les moyens d’investir pour créer et innover encore plus loin.
  • Le partage des bénéfices réalisés alimente l’itération suivante du modèle et la classe moyenne qui s’accroît devient garante de la paix sociale fondée sur ce cycle du progrès économique.

Si les histoires personnelles sont toutes différentes, nos grands-parents, nos parents et nous-mêmes avons vécu sous l’influence de ce métamodèle : les enfants de nos enfants vivront mieux que leurs parents et grands-parents, ils seront plus éduqués, mieux rémunérés, dans un monde toujours plus confortable.  L’emploi, qui est devenu dans notre vocabulaire le synonyme de travail, fournit une raison sociale en même temps que les revenus pour bénéficier du progrès et contribuer à ses cycles.

Pour la génération des baby-boomers Français portée par les « Trente Glorieuses », ce modèle de croissance semblait immuable. Le diplôme ouvrait la voie royale à une carrière prometteuse dans la branche de son choix. Le chômage devenait un accident contre lequel on payait une assurance. Les partenaires sociaux s’opposaient sur les thèmes de l’adaptation des conditions de travail et d’une juste distribution des bénéfices [2].

Parallèlement, les technologies de l’information et des communications enchainaient leurs applications. D’abord outil, « l’ordinateur », mot à la consonance à la fois biblique et ordinaire, envahissait progressivement nos organisations et notre environnement jusqu’à ce que l’arrivée de l’Internet généralise la « Nouvelle Économie numérique ».

L’avènement de la Nouvelle Économie Numérique

  • L’informatique s’est imposée en entreprise dès le début des années 1970 comme l’incontournable filière porteuse de tout développement. Ses premiers domaines de prédilection ont été le contrôle des processus industriels et l’automatisation des tâches de gestion administrative routinières (tenue de la comptabilité, calcul de la paie, gestion des stocks…).
  • Début 1980, l’arrivée en entreprise des ordinateurs personnels qu’a permis la commercialisation en masse des microprocesseurs a bouleversé le travail de secrétariat dont les tâches de saisie se sont lentement redistribuées sur les collaborateurs équipés. L’amélioration des réseaux privatifs et la diminution de leurs coûts ont favorisé la redistribution géographique de ces tâches répétitives.
  • Dans les années 1990, l’avènement de l’Internet bouleverse les communications entre entreprises qui découvrent la messagerie, les organisations collaboratives et les bénéfices de la nouvelle mobilité.
  • Pour les particuliers, l’informatique était jusqu’alors principalement ludique. Les applications se sont multipliées avec l’ouverture de l’Internet au grand public qui explose dans les années 2000. L’unification des réseaux de communications a permis à la téléphonie numérique de se populariser. Le téléphone mobile s’est imposé comme support incontournable des nouveaux réseaux sociaux et autres services en ligne.
    La Nouvelle Économie numérique s’affirme dans cette décennie. De nouveaux acteurs mondiaux s’approprient les marchés, bâtissant en quelques mois des empires financiers.
  • La décennie 2010 est déjà marquée par deux évolutions majeures [3] que sont la virtualisation des ressources informatiques que le Cloud délocalise et le Big Data qui a bouleversé les techniques de gestion des données, l’informatique décisionnelle et l’intelligence artificielle. Les regards sont aujourd’hui tournés vers l’Informatique Quantique

Particularités & contexte de la disruption technologique

Qu’est-ce qui caractérise la disruption technologique informatique et son contexte au point qu’elle impacte significativement et durablement nos modèles économiques conventionnels ?

La capacité de l’outil informatique croît à une vitesse exponentielle

Ainsi la « Loi de Moore » revue en 1975 prédisait le doublement tous les deux ans de la puissance de calcul des microprocesseurs. Elle s’est vérifiée [4]. Un processeur commercialisé en 2017 est environ 4 millions de fois plus puissant [5] que le premier processeur INTEL en 1973.

Notre perception linéaire du temps a formaté notre mode de réaction aux évolutions de notre environnement. Comment anticiper véritablement l’impact de courbes de progrès aussi vertigineuses ? Nos organisations sociales et leurs modèles de gouvernance se mettent alors en mode réactif plus que proactif : le futur qu’elles projettent est souvent déjà là.

Le défi se place sur le domaine de l’intelligence dont notre cerveau est le sanctuaire

Alors que l’outil mécanique s’intéresse aux actions physiques, l’ordinateur réalise des tâches intellectuelles. D’abord focalisé sur des tâches simples et répétitives (comptage, classement, mesure, etc.), le domaine d’application de l’informatique s’est étendu progressivement à des tâches plus élaborées (pilotage automatique, contrôle d’orthographe, traduction, jeux d’échec ou de go, etc.).

Dans les 10 dernières années, de nouvelles étapes ont été franchies. Les masses d’informations collectées sont devenues une mine pour les opérateurs de « Big data ». Les progrès de l’algorithmique ont permis le développement d’outils d’analyse mettant en corrélation ces masses d’informations éparses. Une des branches les plus prometteuses de l’intelligence artificielle s’appuie sur le développement de la capacité d’autoapprentissage de l’ordinateur (cf. « Deep Learning »).  Les automates partent toujours de règles du jeu et d’un objectif, mais ils n’ont déjà plus besoin qu’on leur programme une stratégie pour atteindre cet objectif. Ils analysent les masses de données qu’on leur fournit, voire qu’ils enrichissent par eux-mêmes.

Le test imaginé par Alan Turing en 1950 pour comparer Intelligence Artificielle et intelligence humaine [6] a longtemps servi de référence. Sans se préoccuper de définir l’intelligence, l’intuition ou la conscience, la « Singularité Technologique [7] », concept aujourd’hui au cœur des polémiques, soulève maintenant une question plus concrète : quand atteindra-t-on le point irréversible où notre système de décision sera délégué à des robots devenus indispensables, sans que nous puissions pour autant maîtriser la pertinence de leurs conclusions ?

L’exercice philosophique, voire théologique, sur la supériorité de l’intelligence humaine se déplace sur la question de la fin de l’ère de la domination humaine pour celle des robots.

La révolution numérique concerne tous les emplois

Reconnu intelligent ou pas, l’Ordinateur exécute déjà des tâches hier réservées à des employés diplômés. Tous les profils concernés par les exemples ci-dessous sont ceux d’employés passés par l’université :

  • Des automates réalisent des recherches juridiques en compilant avec une efficacité remarquable la masse de documents numérisés, tâches autrefois confiées aux juristes pour une part significative de leur disponibilité.
  • Des moteurs équivalents produisent des articles de presse, notamment dans le domaine sportif où les références statistiques et aux exploits du passé se multiplient. Les auteurs signataires se contentent le plus souvent d’une relecture sommaire du style proposé par le moteur.
  • Les nouveaux logiciels d’imagerie médicale sont capables d’autolocaliser avec justesse et précision les zones suspectes observées chez un patient. Ils peuvent alors guider les outils de microchirurgie sur le point exact d’intervention.

Ainsi, d’après le 3èmeexemple médical :

  • À nombre équivalent d’opérations, le nombre de radiologues et de chirurgiens réquisitionnés diminuera.
  • Le point de vue optimiste souvent avancé est que ces gains de productivité permettront d’augmenter le nombre d’opérations exécutées, sans surcoût pour notre système d’assurance santé. Les emplois médicaux et le bien-être des patients seraient donc protégés.
  • Mondialement cependant, tous secteurs d’activités confondus, la tendance est déjà à une réduction draconienne du nombre des employés, quel que soit le niveau de qualification requis. Et moins d’emploi signifie moins de cotisations au système de couverture santé, donc moins de capacité de remboursement, moins d’opérations effectuées… et moins de demandes de personnel médical.

Un diplôme universitaire n’est plus une garantie pour obtenir l’emploi initialement convoité. Un diplôme augmente toujours les chances d’un recrutement, mais il sera surqualifié et se fera aux dépens de candidats aux profils pourtant suffisants. Dans nos banlieues, l’argument du diplôme comme clef d’un avenir serein est de moins en moins convaincant.
Aux États-Unis, la dette considérable contractée par les étudiants pour couvrir leurs frais universitaires est annoncée comme la prochaine bulle mettant en danger le système boursier.

Le modèle économique libéral idéalisé par Henry Ford ne tient donc plus : précariser la classe moyenne remet en cause le régulateur social au cœur du modèle initial provoquant alors le risque de son effondrement [8].

Plusieurs scénarios de continuité sont envisageables. Aucun n’est véritablement rassurant.

La Nouvelle Économie Numérique est sans frontières :

Son avènement a accompagné la globalisation des marchés. Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC [9]) favorisent un nouveau modèle économique fondé sur le métier d’intermédiaire qui facilite la relation commerciale entre partenaires économiques de nature et d’intérêt différents. Les services que proposent les marques de la Nouvelle Économie Numérique (acteurs du GAFAM, BATX et autres NATU) dépendent de la « Plateforme Multiface [10] » chargée d’optimiser les interactions entre leurs clients. Ainsi :

  • La plateforme met en relation ses propres clients, elle facilite, structure et trace leurs interactions.
  • La responsabilité de la marque intermédiaire est de s’assurer du respect par chacun des clients mis en relation de la charte de fonctionnement préétablie [11].
  • La survie et la valeur de la marque de l’intermédiaire dépendent à la fois de sa capacité à développer un portefeuille de clients dont la masse critique justifie l’intérêt de chacun, et de sa capacité à équilibrer un modèle commercial basé sur la « juste participation [12] » de chacun des acteurs au coût global de la chaîne économique.

L’autorité et la capacité de contrôle laissées aux puissances publiques des régions où se réalisent physiquement les transactions contractées en ligne sont considérablement réduites par deux facteurs :

  1. La virtualité des services d’information qui coordonnent sur l’Internet les partenaires contractants ;
  2. La multiplication des intervenants de la chaîne de production qui réalise le contrat passé et leur implantation géographique distribuée.

Par exemple :

  • Le service d’hébergement Airbnb est délivré par de nouveaux acteurs de l’hôtellerie qui ne sont pas soumis aux contraintes de ce secteur professionnel ;
  • Le transport de passagers Uber est délivré par des chauffeurs indépendants sans licence.
  • Les intermédiaires Airbnb et Uber choisissent quant à eux le régime fiscal qui leur est favorable, sans autre considération pour les régions où sont physiquement réalisées les transactions économiques que leur plateforme multiface respective facilite.

Les destructions d’emplois conventionnels liées à l’apparition de ces nouveaux services s’avèrent beaucoup plus nombreuses aujourd’hui que les créations d’emplois nouveaux.

Se préparer à un monde sans emploi

Une rupture déjà visible

En 1992, aux États-Unis, 5 % des plus riches concentraient 27 % de la dépense de consommation globale. En 2012, ce pourcentage est passé à 38 %. La part de la dépense de consommation des 80 % les plus pauvres ne représentait plus que 39 %.

Adogmatisme et cynisme se rejoignent parfois : ces pourcentages ont alarmé au point qu’en 2013, les analystes de la Citigroup recommandaient à leurs clients les plus riches de ne plus investir dans les entreprises produisant pour les classes moyennes jugées « en cours de dissolution ».

Entre 1998 et 2013, la population américaine a grossi de 40 millions d’individus alors que le nombre d’heures travaillées dans chacune de ces années était équivalent [13].

Dans une moindre mesure et avec un décalage de cinq ans, les mêmes tendances sont déjà perceptibles en Europe.

La proposition d’un nouveau paradigme

Refuser la disruption technologique de l’informatique serait une réponse aussi ridicule que vaine.

Les inconditionnels des nouvelles technologies assurent d’ailleurs que la fin de l’emploi est un épouvantail secoué par d’incurables conservateurs. Les nouveaux darwiniens sociaux minimisent l’impact social du changement en pariant sur la capacité de résilience des organisations humaines pour assurer une transition naturelle. Ils évoquent alors inévitablement la tragique et vaine révolte des canuts ou comparent encore les inconvénients de la disparition des diligences aux avantages de l’automobile ou du train…

La fin de l’emploi n’est effectivement qu’une théorie aussi indémontrable que l’existence de la « main invisible du progrès », mais faire l’hypothèse de l’effondrement du fordisme a au moins pour mérite de forcer la réflexion sur un autre paradigme. La courbe du progrès s’accélère et nous connaissons la lenteur des cycles de décisions de nos systèmes de gouvernance. Il est donc temps d’anticiper un accompagnement des crises sociales que génèrera une redistribution massive de l’emploi. D’autant que ces crises seraient accentuées par leurs impacts sur une classe moyenne qui joue conventionnellement un rôle de modérateur/régulateur.

Revoir notre relation au travail

Dans les trois exemples qui suivent, quel sens prend la définition marxiste qui limite le capitalisme à une association du salariat et de l’économie de marché  ?

  • Fondée en 2005 par 3 personnes, You Tube comptait 65 employés en 2007 quand cette entreprise a été rachetée par Google pour 1,7 milliard USD.
  • Instagram, la startup de partage de photos qui employait alors 13 employés, a été rachetée 1 milliard USD par Facebook en 2012 [17].
  • La startup Mobileye, environ 500 employés, a développé des solutions pour les véhicules autonomes. En 2017, elle avait une valeur boursière de 14 milliards d’Euros, supérieure à celle du groupe Peugeot, celui à la tête de lion [18].

La « valeur-travail » est désormais un dogme moral qui n’a aucune pertinence pour comprendre la logique de la nouvelle économie numérique.
Peut-on encore considérer le travail comme centre de notre relation aux autres ?

  • L’emploi ne peut plus être la seule raison sociale d’un individu. Ce n’est pas une fin, mais un des moyens pour se procurer les revenus nécessaires du bien-être compris comme condition essentielle d’une intégration sereine à la collectivité [14].
  • Le travail en soi ne libère plus, pour autant qu’il ait jamais libéré [15]. C’est le travail sur soi, c’est-à-dire pour son édification personnelle, qui garde son sens éthique. Distinguons donc entre travail et emploi.
  • Le taux de chômage devient un indicateur artificiel et pour le moins contestable quand l’idéal du plein emploi est moins le moyen du développement économique que la justification d’une politique d’un autre temps [16].

Promouvoir le Revenu Universel

L’idée n’est pas nouvelle [19]. Elle est revenue sur le devant de la scène à l’occasion de la campagne présidentielle française de 2017 [20].

En 1964, inspiré des travaux de Milton Friedman [21], le rapport américain « triple revolution » élaboré par un comité d’experts comptant trois futurs lauréats du prix Nobel a été remis au Président Johnson. La 3èmedes révolutions évoquées [22] faisait référence à la « cybernétique » et à ses conséquences sur l’emploi. Elle mettait déjà en garde contre un désordre économique et social sans précédent lié à la redistribution forcée des rôles par l’automatisation. La proposition du rapport : la mise en place d’un revenu minimum, en remplacement et en renforcement des nombreuses mesures sociales existantes.

Le 31 mars 1968, dans son tout dernier sermon, Martin Luter King faisait référence à ce rapport. Il en internationalisait la portée et concluait : « je veux tout changer et les approches du passé sont révolues ».

Mais la solution du Revenu Universel fait partie de celles qu’on dédaigne encore en les classant parmi les utopies. Hier ignorée tout autant qu’avait pu l’être l’écologie, la question de la fin de l’emploi que réveillent les applications de la Nouvelle Économie Numérique nous rattrape et elle nous contraint à revisiter au plus vite nos modèles conventionnels.

Répondre à l’illettrisme numérique

L’informatique est omniprésente : nos objets usuels sont interconnectés ; pour optimiser leurs services, nos administrations ont rendu l’usage de l’Internet obligatoire ; les réseaux sociaux modifient nos comportements ; etc.

Pourtant, par ignorance ou par conservatisme, notre Éducation nationale a beaucoup tardé à inscrire l’informatique — définie ici comme le domaine transdisciplinaire des sciences de l’information — dans ses programmes d’enseignement général. Tant que l’Éducation nationale considèrera l’informatique comme une technique à jamais réservée à quelques spécialistes professionnels, elle contribuera à creuser un fossé culturel.

Comment répondre au constat de « l’illettrisme numérique » qui touche les Français de toutes les classes sociales et de tous les âges ?

Revenons à l’application des principes mêmes de notre enseignement laïque. Parmi les plus souvent déclinés, figurent:

  • «Un enseignement indépendant pour former des esprits libres ».
    Quand il est transmis à d’autres que les élèves des filières spécialisées, l’enseignement de l’informatique se limite trop souvent à l’apprentissage de l’utilisation des plateformes matérielles et logicielles, celles-là mêmes que propose le marché. Cela ne sert alors souvent qu’à confirmer un savoir-faire que les plus jeunes finissent par acquérir par leurs pratiques communes ou par mimétisme.
    Mais qu’est-ce qu’un algorithme ? La programmation ? L’Internet ? Un moteur de recherche ? Une structure de données ou une donnée numérisée ? etc.[23]. La présentation des concepts généraux et l’apprentissage distancié et assisté du vocabulaire informatique sont nécessaires au développement d’un regard critique. Mais ils ne font que très peu souvent partie des programmes officiels.
  • « Apprendre à apprendre, pour mieux appréhender le changement ».
    L’accélération du progrès confirme, si nécessaire, la formation continue comme condition incontournable de l’employabilité. Plus qu’hier, elle devient un facteur de l’intégration sociale et du bien-être de chacun.
    Quand le progrès technologique remet fréquemment en cause nos carrières, peut-on raisonnablement séparer l’École (qui va de l’enfance à l’entrée dans la vie professionnelle et qui revient à l’État) et la formation continue (qui est réservée aux adultes actifs et qui est déléguée aux partenaires sociaux) ?

À l’ère de l’information et de la communication, l’éducation se conçoit comme un seul et même processus permanent intégré.


Notes et commentaires

[1] NDLA : Je mesure bien sûr que la liste proposée dans cette troisième partie ne constitue pas une réponse suffisante, à la hauteur des enjeux qui auront été évoqués.

[2] Une contrepartie : la remise en cause du principe même de la croissance n’étant pas à l’ordre du jour, le processus de développement d’une conscience écologique partagée a été particulièrement lent.

[3] Ces « bouleversements soudains » des technologies de l’information et des communications comme l’avènement de la Nouvelle Économie Numérique doivent peu au hasard. Ils sont que la traduction appliquée par le marché des avancées considérables de la recherche fondamentale sur moins de 50 ans. La physique a permis la conception et la mise au point du microprocesseur et largement contribué à l’accroissement des capacités de stockage des données. La recherche informatique, notamment dans ses branches de la systémique et de l’intelligence artificielle, a permis les avancées en modélisation et en algorithmique.

[4] La loi de Moore prend en compte le développement de la capacité des microprocesseurs. Si la technologie à l’origine de cette loi atteint ses limites physiques, d’autres évolutions perpétuent encore cette prévision (nouveaux matériaux, processeurs 3D, etc.). La capacité de stockage comme l’efficacité des algorithmes sont d’autres facteurs de cette croissance. Sans oublier l’Informatique Quantique dont les prouesses sont déjà très prometteuses, bien que ses applications ne puissent être accessibles au grand public dans un avenir proche.

[5] L’application de la loi de Moore « simplifiée » pour cette période donne 2 (44/2)= 4 194 304.

[6] Alan Turing a imaginé en 1950 un test dont il a précisé le protocole. Son principe est simple : chacun des testeurs désignés s’adresse à l’aveugle à deux interlocuteurs A et B dont l’un est humain et l’autre est un automate. Le testeur leur pose successivement des questions très diverses. En fonction de leurs réponses, il doit désigner lequel de A ou de B est l’automate.

[7] L’expression « Singularité Technologique » fait référence aux conséquences possibles de l’évolution de l’Intelligence Artificielle pour l’humanité. L’hypothèse est que l’évolution accélérée des capacités technologiques engendrera bientôt une super-intelligence dépassant définitivement celle de l’humain qui remettrait en question le leadership de ce dernier voire même son autorité quant à la destinée de son espèce.

[8] … Car :

  • L’employé est également un consommateur parmi les autres qui orientent la demande du marché ;
  • Les entreprises accroissent la capacité de production au détriment du nombre d’emplois ;
  • Les employés privés de leurs ressources salariales sont autant de consommateurs en moins ;
  • La compétition exacerbée du marché finit alors par son effondrement.

[9] Souvent aussi désignées comme NTIC pour Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.

[10] Les clients de la plateforme sont regroupés par natures appelées « faces ». Ainsi :

  • À l’origine, la plateforme Airbnb a deux faces : celle des clients qui recherchent un hébergement et celle des hôtes qui proposent une adresse d’hébergement. La possibilité d’accès au détail des réservations contractées — pour, par exemple, permettre aux autorités publiques locales le contrôle du paiement des taxes — constituerait une 3e.
  • Facebook est un cas plus complexe : une 1re face pour l’émission et la réception des messages ; une 2e pour la mise à disposition d’applications complémentaires aux abonnées ; une 3e de gestion de ses applications par leurs développeurs respectifs, une 4e dédiée aux annonceurs pour s’interfacer aux abonnés. L’affaire Cambridge-Analytica a mis en évidence l’existence d’une face 4bis plus discrète laissée aux lobbies politiques pour récupérer les profils des abonnés, les analyser et influencer leurs votes.

[11] Dans leur modèle d’origine, UBER ne dispose pas de sa flotte de véhicules et Airbnb n’est pas davantage un propriétaire foncier. Tous deux mettent en relation le demandeur et le fournisseur du service final. La course de transport ou la nuit d’hébergement seront délivrées localement au client-utilisateur du service final qui découvrira sur place son prestataire physique.

[12] Certaines faces pourront être gratuites si telle est la condition pour motiver une nature de clients et atteindre sa masse critique. cf. « De précieux intermédiaires », D. Evans et R. Schmalensee ; éd. Odile Jacob économie, Paris, 2017.

[13] Chiffres du BLS (« Bureau of Labor Statistics ») en 2013, cités par Martin Ford, in « L’avènement des Machines », 2017, FYP éditions, version française de l’original « Rise of the Robots », 2015, FYP Editions. NDLA : je recommande vivement ce livre, source précieuse d’information pour la majorité des sujets traités dans cet article.

[14] Voir les 5 niveaux de besoins d’après la pyramide de Maslow souvent repris (physiologiques > sécurité > appartenance > estime > accomplissement).

[15] On pourra ici discuter de l’origine du mot travail, selon qu’on retient le mot hispanique « trabajar » portant l’idée de « tension vers un but rencontrant une résistance » ou le mot latin « tripalium » faisant lui référence à la torture.

[16] Pour exemples : En 2017, la Russie annonçait fièrement avoir réduit le nombre de ses chômeurs de 7,5 % en un an pour se situer en dessous de 5 %. Mais son PIB (équivalent de celui de l’Espagne), quand il est ramené par habitant, plafonne à 7 160 € (salaire moyen 520 €, salaire minimum 115 €) ; le Royaume-Uni n’est pas moins fier de ses 4,30 %, mais ce beau résultat est à rapporter à un taux de 22 % de sa population en dessous du seuil de pauvreté.

[17] Les deux 1ersexemples sont cités par Martin Ford, dans son livre « L’avènement des Machines », chap. 7, p. 219, ibid.

[18] La société israélienne Mobileye, actrice majeure des technologies pour les voitures autonomes (systèmes anticollisions, d’assistance à la conduite, etc.) a été rachetée en mars 2017 par INTEL pour une valeur de 14,3 milliards d’euros.

[19] Ainsi, dans « L’Utopie », publiée en 1516, Thomas More imagine une île où chacun serait assuré des moyens de sa subsistance sans avoir à dépendre de son travail. Dans La Justice agraire (1797), l’Anglais Thomas Paine, intellectuel engagé dans la révolution américaine et française, défend l’idée d’un fonds alimenté par les propriétaires terriens permettant de verser à chaque individu un revenu minimum à sa majorité. Les socialistes utopiques du XIXe siècle, comme les fouriéristes de l’École Sociétaire qui défendaient l’idée d’un « dividende territorial ». Citons aussi les économistes français Y. Bresson et H. Guitton, fondateurs en 1985 de « l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence » qui a essaimé mondialement (se référer au « Basic Income Network »).

[20] Le Revenu Universel figurait dans le programme du candidat socialiste Benoit Hamon. Sa proposition a été critiquée, voire raillée, par les autres candidats tant de droite que de gauche.

[21] Milton Friedman, fondateur de l’École de Chicago, a développé la théorie du revenu minimum universel. « Tout en fonctionnant par l’entremise du marché [le revenu minimum] ne devrait ni fausser ni entraver le fonctionnement de ce marché ». Idée originale : pour maintenir la visibilité du salaire, ce RMU pourrait prendre la forme d’un « impôt négatif » (« negative income tax »). Voir « Capitalisme et liberté », 1962, VF aux éd. « À contre-courant ».

[22] Les deux premières révolutions étaient respectivement en référence à l’arme nucléaire et aux droits civiques, deux préoccupations américaines plus immédiates à l’époque.

[23] La liste n’est bien sûr pas finie. L’enseignement secondaire pourrait par exemple approcher la modélisation, la systémique ou la complexité, sujets pour l’édification de tous, mais aujourd’hui privilèges de quelques filières supérieures.


L’auteur de cet article est Jacques Cassagnabère

Sa version initiale a été publiée le 3 juillet 2018

Avec l’accord de l’auteur, l’article publié intègre les modifications proposées par la commission éditoriale du site Adnethique.org


 

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